El Trío De Omar Rodríguez-López • Martes
Les voix du crépuscule continuent leur exploration de la banlieue parisienne. Après la banlieue calme ancrée dans une longue histoire avec Rungis, puis les banlieues populaires mises en regard avec la métropolisation, nous mettons en lumière une troisième facette de la banlieue, souvent associée aux classes fortunées, les espaces résidentiels fermés. On les connaît aux États-Unis sous le nom de "Gated Communities", en Colombie sous le nom de "Barrios Cerrados" ou encore en Argentine sous le nom de "Country Clubs", et on les désigne en région parisienne sous les appellations résidences fermées, espaces résidentiels fermés ou encore enclaves résidentielles. Ces espaces, s'ils sont plus durs à nommer qu'aux États-Unis, sont aussi plus durs à caractériser, en effet les critères qui permettent de déterminer si une opération immobilière est fermée (ou enclavée) ne sont pas si simples à établir. Cela n'a pas empêché une étude de 2006 menée par Antonin Gosset sous la direction de Céline Loudier-Malgouyres, d'établir la présence d'environ 2000 espaces résidentiels fermés dans la ceinture verte de l'Île de France.
Selon le géographe François Madoré, la fermeture résidentielle tiendrait à trois facteurs : « L'appropriation des espaces d'habiter, la recherche d'une meilleure qualité environnementale dans l'habitat et d’un meilleur cadre de vie. » Mais, si on les surnomme parfois ghettos de riches, ces enclaves ne sont pas toujours l'appanage des classes les plus aisées, il existe aussi des résidences fermées construites par les entreprises pour leurs ouvriers, et depuis les années 90 elles s'ouvrent, si l'on peut dire ainsi, de plus en plus aux classes moyennes. Il n'en reste pas moins que le développement important de ces résidences fermées depuis les années 1970, « conséquence directe du renforcement de la mondialisation et des dynamiques de métropolisation », présente un véritable risque de fragmentation urbaine voire de sécession. Ce sont les concepts de « ville archipel » développé par Jacques Viard et d'« urbanisme affinitaire » développé par Ghorra Gobin. L'urbaniste catalan Jordi Borja a qualifié les quartiers fermés d'urbanicide.
Dans notre émission « Les banlieues barbares », Guillaume Faburel, critique de la métropolisation, mettait en doute les vertus écologiques de la densification et défendait que « la densification et l'étalement urbain ne s'opposent pas, ils sont deux processus consubstantielles ». Si la métropolisation crée de la densification, les résidences fermées nous montrent qu'elle favorise un étalement urbain difficilement compatible avec les enjeux de la ville durable. car ces résidences fermées ne sont pas tant le produit d'une politique que celui d'une libéralisation de l'urbanisme dans lequel les promoteurs immobiliers ont trouvé une source de rentabilité en proposant ces quartiers munis de leur attirail sécuritaire, vendus sous l'étiquette marketing de la tranquillité.
Ces espaces nous font aussi réfléchir, dans notre cycle d'émissions sur la banlieue, au concept de périurbanité, dans la mesure où il ne font pas que créer un nouveau type de périurbain, ils créent de nouvelles centralités, tant certains d'entre eux sont faits pour se suffire à eux-mêmes.
Quels sont donc ces espaces résidentiels fermés en région parisienne ? Quelle est leur histoire depuis la création du parc de Montretout à Saint-Cloud en 1831 ? S'apparentent-ils aux Gated Communities américaines ? Et quelles sont les conséquences sociales de leur développement ?
Pour répondre à ces questions, nous recevons le géographe Renaud Le Goix, professeur à l'université Paris Diderot, auteur de plusieurs ouvrages dont Sur le front de la métropole. Une géographie suburbaine de Los Angeles paru en 2016 et de La métropole parisienne. Centralités, inégalités, proximités. paru en 2007.
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Les Voix du Crépuscule
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