Après avoir exploré les sous-sols profonds et mystérieux de la capitale française, improprement appelés catacombes, et les plus hauts lieux, ou non-lieux de la mobilité que sont les aéroports, les Voix du Crépuscule vous emmènent dans ces autres sous-sols parisiens, moins mystérieux, et entièrement dédiés à la mobilité – du moins selon les intentions de leurs créateurs – que sont les couloirs et les rames du métro.
Faire l’anthropologie d’un lieu pensé exclusivement des points de vue pratique et technologique (afin d’être toujours plus rapide, toujours plus confortable et toujours plus sûr), où les hommes ne sont que de passage a-t-elle un sens ? La RATP vise à leur rendre le voyage indolore et insensible, en somme, à le leur faire oublier dès lors qu’ils sont sortis de la station de destination. Mais c’est sans compter l’irruption d’autres éléments, qui changent la perception de cet espace.
Ainsi, au fur et à mesure des avancées technologiques, le métro s’est vidé de ses chefs de gare, de ses chefs de train, de ses poinçonneurs, devenant ainsi un espace déshumanisé où le voyageur n’a plus la nécessité d’entrer en contact avec les autres. Cependant, au détour d’un couloir de station ou dans une rame, des musiciens peuvent croiser sa route. Pour peu qu’il s’attarde à écouter leur performance, l’expérience du voyage peut alors changer de nature pour lui. L’espace fonctionnel devient alors un espace sensible où des attaches et des souvenirs peuvent se créer. C’est la thèse développée par Boris Desbertrand dans son mémoire Le métro entre espace fonctionnel et espace sensible (présenté en 2015). Il décrit la manière dont les musiciens peuvent opérer cette transformation.
Pour aller plus loin dans cette introspection de cet endroit rendu si banal par le train de nos vies quotidiennes, nous vivrons de l’intérieur l’expérience du musicien en recevant Fred Alpi, ancien musicien du métro qui a joué de 1991 à 1996 dans les rames et qui a raconté son vécu dans un livre sobrement intitulé Cinq ans de métro sorti en mai 2018.
Nous interrogerons aussi Boris Desbertrand sur son travail, et Pascal abordera dans sa chronique l’expérience singulière d’un voyageur non-voyant.
Musique : « Métro », groupe Java.