L'édito de Victor : À l'hétérobeauf qui sommeille...
L'édito de Victor : À l'hétérobeauf qui sommeille en nous

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Magazine
Société
mardi 6 décembre 2022
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Victor a passé son dimanche à regarder du tennis puis à regarder l’équipe de France dans son canapé une bière à la main avec ses colocs hétéros, puis à faire un escape game où il a battu des inconnus virilistes qui avaient un peu la honte de perdre devant leurs meufs. Et il s'est senti un peu trop hétéro...

La veille déjà, samedi soir donc j’avais des ami.es chez moi pour l’apéro. Je vous refais pas le topo, ce sont les mêmes ami.es que d’habitude, ceux que Mère Nature n’a pas jugé opportun de doter de queerisme et qui vivent donc dans l’hérétisme hétéronormatif le plus absolu, pardonnons leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.

Première curiosité ce soir-là, moi le LGBT qui ne regarde le foot que tous les 4 ans, je me retrouve à être sur une ligne plutôt ruffiniste et à dire que ça fait un peu chier de pas regarder les matchs alors que bon quand même les ambiances de coupe du Monde, ben moi j’adore ça. Personne ne me traite de traître à ma cause évidemment, et encore heureux, mais c’est vrai que j’ai eu un peu l’impression de mettre un CSC – pour les non-Dégommeuses sur ce plateau, ça veut dire un but contre son camp.

Un peu plus tard, après une longue digression sur la Star Ac’, un retour aux fondamentaux de notre culture donc, la discussion part sur Un, Dos, Tres. Je suis vachement moins à l’aise que sur le foot, je réalise que j’ai dû voir 3 épisodes, je ne connais pas les personnages. Mais ce qui me tue c’est que mon pote Romain, qui est à la fois la quintessence de l’hétérosexualité sans en être jamais la caricature, se rappelle jusqu’au nom de la directrice de l’école dans la série et nous dit qu’il regardait TOUS LES SOIRS avec son grand-frère.

Et moi, comme un crétin, tout ce que je trouve à lui dire à ce moment-là c’est « wahou, t’es le premier hétéro que je rencontre qui regardait Un Dos Tres». Et évidemment il me répond, un peu amusé, « ben je vois pas le rapport ». Et bien sûr il ne voit pas le rapport, comme mes potes qui ne comprennent pas quand je dis que j’écoutais Dido en cachette au collège. Parce que les ados qui entraient dans le moule ne se sont jamais vraiment posé la question de ce qui était acceptable au non.

La différence entre Romain et moi, c’est que lui par sa socialisation de garçon affirmé pouvait dire qu’il regardait Un Dos Tres sans que quiconque remette en cause sa validité de garçon, alors qu’à l’inverse, j’avais beau faire tous les efforts du monde et cacher mes goûts, si quelqu’un m’entendait mumumemer Hunter de Dido dans la cour, mon étiquette de pédé venait se recoller tout de suite sur mon front.

On m’a tellement inculqué dans la cour e’école, qu’il y avait des musiques, des sports, des séries, des jeux, différents pour les filles et pour les garçons, que j’ai moi aussi tout bien rangé dans des cases. Les activités pour les filles et les pédés d'un côté  et celles pour les garçons et les gouines de l'autre.

Et en y réfléchissant je pense que je ne suis pas le seul, nous les LGBT+ avons beaucoup beaucoup beaucoup lutté autour de nous pour déconstruire les regards et les préjugés, pourtant ne sommes nous pas les premiers à nous dire de ce voisin qui connait Physical par cœur qu’il doit aller au Rosa le dimanche et de cette collègue qui fait du patin à roulettes qu’elle a certainement une colocataire aux cheveux courts ? Alors que nos goûts sont si géniaux que c’est normal que la plèbe cishét aime les mêmes choses que nous non ?  Bon j’avoue je prends des exemples excessifs, parce que je ne crois vraiment pas qu’il y ait d’hétéro aux concerts de Dua Lipa au roller derby, mais vous avez l’idée…

Ce que je veux dire c’est que finalement on s’est peut-être de nous-mêmes laissé.es enfermer dans ces petites catégories que les cishét ont fabriquées pour nous. Alors queer de tous horizons, même si ce sera dur au départ, faites vos coming out culturels et osez dire ce que vous aimez et n’aimez pas, quitte à accepter cet.te hétérobeauf qui sommeille en vous. Allez, je vais commencer pour donner l’exemple. En 2011 quand la France a perdu en finale du mondial de rugby je me suis cassé un orteil en shootant de rage dans un mur, quand ça arrive à la main on appelle ça la fracture du connard, gros level d'heterobeauferie mais le pire arrive attention, j’ai pas aimé une seule chanson de Gaga depuis Paparazzi. Wahou ça y est c'est dit. Vous verrez c’est dur de se jeter, mais en vrai ça fait du bien.

Chronique : Victor Samoth-Panetti