Derrière les fagots : La poste du Louvre (Ep.2)
Derrière les fagots : La poste du Louvre (Ep.2)

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lundi 21 novembre 2016
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Derrière les fagots, une émission de documentaire radiophonique qui déplace le regard

réalisée par Esther Valencic et Cléo Cohen

La Poste du Louvre, épisode 2

A la Poste du Louvre, nous étions venues élucider le mystère des usagers de nuit, adeptes des lettres et colis après minuit. Nous y avons aussi rencontré Patrick, agent de sécurité qui travaillait alors pour la cinquième nuit consécutive cette semaine-là. Patrick travaille de 19h à 6h du matin ; en vertu d'un rituel millimétré qui divise son service en deux actes, il est autorisé à s’asseoir sur une chaise prévue à cet effet, à minuit mais pas avant. Notre échange, assez long, a été interrompu à un moment qui ne saurait être anodin, par une employée de la Poste, qui était pourtant là, à quelques mètres de nous, depuis le début de la soirée. Cette interruption qui n’était justifiée ni par le statut de l’employée (elle n’était pas la supérieure hiérarchique de Patrick), ni par les raisons légales évoquées avec flou, n’avait pour objectif évident que de faire douter celui-ci de son droit de s’exprimer, de sa légitimité à parler. Nous avons décidé de couper le micro après cette interruption parce que nous avons craint que, d’une manière ou d’une autre, Patrick pâtisse effectivement de cet entretien avorté.

Employés par des sociétés privées, les agents de sécurité comme Patrick ne sont pas fonctionnaires, comme le fera remarquer un jeune homme qui, lui le premier, vient interrompre notre discussion et alpaguer Patrick en décrétant maladroitement que le salaire de Patrick, 1200 euros par mois, n’était pas cher payé pour le travail que celui-ci effectuait. Patrick est, comme beaucoup d'agents de sécurité en France, un « salarié de la précarité », pour emprunter l'expression qui titre l'enquête menée en 2007 par Serge Paugam, sociologue français, sur les agents de sécurité en France. La précarité des agents de sécurité est une condition à la fois orchestrée et méticuleusement entretenue par les sociétés privées ou boîtes d'intérim qui les emploient, puisque cette précarité est la condition même de l’existence de ces entreprises. Patrick, en tant que spectateur averti des usagers de la Poste du Louvre, mais plus encore en tant qu’acteur au coeur de ce lieu, nous a parlé avec humour et philosophie de son travail. Et avec un peu de lassitude, aussi. Il nous a semblé important, justement parce qu’on a tenté de museler son récit, de le faire entendre aujourd’hui.

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Derriere Les Fagots
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